Successions d’actes officiels ces derniers jours. Certains tournaient autour du Japon et l’un d’eux pris place dans le patio de Miraflores (Mirefleurs). Assemblée babillant, des femmes mûres pour la plupart, vêtues de kimonos traditionnels. Une personne de l’ambassade affirme que certains costumes sont des vêtements de collections et les dessins de certains d’entre eux étaient remarquables, évoquant l’automne, serrés par des obis merveilleusement noués. Un moment donné, il fallut traverser le patio à grands pas : images colorées, vision de parc au sol jonché de feuilles, et odeur à naphtaline. Le public fleurait le camphre de goudron, comme si ces dames avaient été remisées et exposées pour l’occasion.
Agir comme maître de cérémonie de l’acte. Le traducteur se trompe et commence à rendre en japonais un discours donné dans la même langue. Le lui signaler. Il pâlit, considère ses papiers, et est incapable de parler durant quelques instants. L’idée de sa solitude devant l’assistance froufroutante. Rien n’est plus abominable pour un asiatique que de perdre la face. Les Japonais ne connaissent pas la culpabilité, ils souffrent de la honte, rien ne peut être déshonorant.
Se réfugier dans la contemplation d’un paravent recouvert de feuilles d’or. Un des plus beaux objets remarqués jusqu’à présent. Ah ! Rêver d’un bureau qui serait une pièce au parquet clair, une immense baie donnant sur la mer, et un paravent, un panneau d’or. Azur et or mêlés, image de Robert de Saint-Loup pénétrant dans l’hôtel de Balbec. Sans doute une des plus belles images de la Recherche, une des plus lumineuses, surtout, porteuse d'espérances trop tôt fourvoyées:
Une après-midi de grande chaleur j’étais dans la salle à manger de l’hôtel qu’on avait laissée à demi dans l’obscurité pour la protéger du soleil en tirant des rideaux qu’il jaunissait et qui par leurs interstices laissaient clignoter le bleu de la mer, quand, dans la travée centrale qui allait de la plage à la route, je vis, grand, mince, le cou dégagé, la tête haute et fièrement portée, passer un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s’ils avaient absorbé tous les rayons du soleil. Vêtu d’une étoffe souple et blanchâtre comme je n’aurais jamais cru qu’un homme eût osé en porter, et dont la minceur n’évoquait pas moins que le frais de la salle à manger, la chaleur et le beau temps du dehors, il marchait vite. Ses yeux, de l’un desquels tombait à tout moment un monocle, étaient de la couleur de la mer. Chacun le regarda curieusement passer, on savait que ce jeune marquis de Saint-Loup-en-Bray était célèbre pour son élégance. Tous les journaux avaient décrit le costume dans lequel il avait récemment servi de témoin au jeune duc d’Uzès, dans un duel. Il semblait que la qualité si particulière de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de sa tournure qui l’eussent distingué au milieu d’une foule comme un filon précieux d’opale azurée et lumineuse, engaîné dans une matière grossière, devait correspondre à une vie différente de celle des autres hommes